Là où les pivoines sont reines

«Je crois en la vivace!» - Portrait d'une passionnée
Poliez-Pittet à 807 m d'altitude dans le Gros-de-Vaud. Pour beaucoup, ce nom-là ne doit pas dire grand-chose et on ne saurait pas vraiment où le placer sur une carte. Mais pour l'amateur de pivoines et autres vivaces, ce lieu s'apparente plutôt au jardin d'Eden. Après avoir parcouru le monde, c'est en effet dans ce coin, un peu reculé osons le dire, que Sophie Gay Vôllmy a décidé d'ériger un royaume pour ses protégées: «Le Bioley». Portrait d'une professionnelle peu ordinaire et motivée.
Texte: Marie Zufferey, photos: Sophie Gay Vôllmy

Premières expériences et formation

C'est dans le jardin potager de sa grand-mère, en Valais, que lui vient la passion pour la terre. Ses expériences horticoles continuent lorsqu'elle peut mettre en place son propre carré dans le jardin de ses parents. Du haut de ses 37 ans, elle se rappelle encore ses premiers essais de semis: la découverte de la germination fit naitre en elle un feu qui ne s'éteindra plus. Bien qu'au début de ses études ce sont d'abord les arbres et les arbustes qui retiennent son attention, les plantes vivaces l'interpellent de plus en plus. C'est un secteur peu développé à l'époque et l'apprentissage dans le canton de Vaud n'existe même pas. Diplômée en 1998 du centre horticole de Lullier, Sophie obtient quatre années plus tard un brevet fédéral de contremaitre horticultrice en plantes vivaces.

Parcours professionnel

A la fin de sa formation, elle est engagée au garden centre Schilliger à Gland pour la production des plantes vivaces, avouant aujourd'hui qu'elle se projetait plutôt dans la vente. Après avoir passé quelques temps sous la houlette d'Olivier Morel, elle décide de voyager pour apprendre des techniques différentes sur la culture de la plante vivace. Elle fera escale en Suisse allemande, en Angleterre et en Allemagne. A la suite de ce tour d'Europe et après avoir travaillé dans plusieurs grandes pépinières de Suisse, Sophie décide de s'établir à Poliez-Pittet. C'était il y a trois ans.
La pépinière «Le Bioley»

«Le Bioley», qui signifie «petit bois de bouleaux», fait référence à l'appellation du lieu-dit avant son installation. Sa pépinière couvre une surface d'environ un hectare, divisée en surface pour les pieds-mères (2000 m2), tunnel (600 m2) et plate-bande en pots (1000 m2). C'est donc une entreprise à taille humaine et qui, selon ses dires, devrait rester à cette échelle. La plupart des plantes de son assortiment sont issues des pieds-mères: ces dernières restent en place de nombreuses années et la production est assurée en y
prélevant boutures, éclats de division ou graines. Cette méthode assure la qualité et la pérennité de son assortiment. De plus, elle garantit la résistance et la rusticité des variétés mises en vente. Ainsi, la pivoine herbacée - la spécialité de la pépinière - sera cultivée durant trois années en pleine terre puis mise en pot après avoir été arrachée et divisée. Une telle production de pivoines est unique en Suisse romande! Les plantes proposées par Sophie reflètent aussi un peu de sa personnalité. Elle avoue d'ailleurs que les pivoines sont «mon côté moins sauvage et plus sophistiqué». Si vous avez des doutes sur les atouts des pivoines, laissez-vous convaincre par la spécialiste: «c'est une fleur solide qui peut vivre très longtemps - il y a des pieds de pivoines de plus de 50 ans! Sa fleur est généreuse et éphémére: la pivoine c'est un moment au printemps à ne pas manquer. C'est court et on a tout le reste de l'année pour fabuler sur la pivoine. C'est la rose chez les vivaces!» De quoi nous faire envie... Et si on lui demande pourquoi elle a choisi la production de plantes vivaces, la réponse fuse: «elles sont au rendez-vous chaque année, elles évoluent au fil de la saison et; pour les massifs, le vaste choix laisse libre court à l'imagination... Leur façon de capter la lumière et la subtilité de leurs formes et de leurs couleurs me font vibrer Pour moi c'est la vie, je crois en la vivace!» Tout est dit, la passion est là et elle pourrait bien être contagieuse... A côté des vivaces en pot, Sophie confectionne également des bouquets avec des fleurs de saison au marché de Morges. Plutôt sauvages et peu ordinaires, ils sont créés sur place et personnalisés selon les envies des clients.

Respecter la nature

Ici, aucun produit chimique n'est utilisé pour traiter les plantes. Jardiner tout en respectant la nature semble être un credo indélogeable, à la pépinière comme au jardin. En effet, quand on lui demande comment serait un jardin idéal à ses yeux - «un mélange entre un jardin à l'anglaise et une prairie sauvage», elle répond sans hésitation «entièrement biologique et biodynamique: un jardin varié avec un nombre raisonnable d'adventices a peu de parasites et de maladies. Le sol serait en plus recouvert d'un paillage afin de limiter l'arrosage et l'entretien.». Pour la production, les pratiques biodynamiques sont à l'essai. De la bouse de corne est répandue pour la fertilisation, et des macérations de plantes sont utilisées pour la lutte contre les adventices et les campagnols.

Un métier dur mais passionnant

«Pépiniériste est un métier à 100%: 150% au printemps et 50% en hiver». Alors évidemment, pour faire ce métier il faut l'adorer. La charge de travail, même si elle est aidée par un apprenti, est importante, sans compter qu'elle doit aussi jongler avec sa vie de mère de famille. Le côté le plus agréable de la profession? «Ce que je préfère, c'est produire des plantes que j'aime et en lesquelles je crois. Faire des belles plantes qui font envie, tout simplement. J'apprécie également communiquer aux gens à travers les plantes». Mais sa vie professionnelle n'est pas qu'un long fleuve tranquille. D'abord il faut réussir à prévoir la demande, savoir quoi produire pour l'année d'après. Et puis, «ily a le côté business. C'est ce qui me plaît moins dans le métier. Il faut être concurrentiel sur tous les points: la concurrence étrangère, la qualité, la quantité et le prix». D'autant plus que, ces dernières années, le nombre de cultivateurs en plantes vivaces a crû et de plus en plus de pépinières spécialisées en proposent un large choix. Si dorénavant on se sent un peu moins isolé dans ce domaine, le nombre de femmes parmi les professionnels - horticulteurs et paysagistes - n'a pas franchement pris l'ascenseur. «Je dirais qu'il peut y avoir un sentiment de solitude de ce côté-là. Mais je rencontre parfois des hommes du métier qui ont les même sensibilités que moi et ça fait plaisir», nous glisse finalement Sophie en guise de conclusion.
Où la retrouver?

• à sa pépinière (voir ci-dessous)

• au marché de Morges et de Lausanne tous les samedis matin d'avril à octobre

• aux marchés aux plantes suivants: Jardins en Fête à Coppet, Journées des plantes à Vaumarcus, Fêtes de printemps des jardins botaniques de Lausanne et de Fribourg, trocs de plantes de Genève et de L'isle
L'adresse complète

Pépinière «Le Bioley», G&S Vôllmy Route du Rategniau 20, 1041 Poliez-Pittet +41-79-755 05 17 (appeler avant de venir) www.le-bioley.ch,info@le-bioley.ch